L’ossature du monde

Prenons le fémur.

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Quoi de plus banal qu’un fémur ?

C’est un os.

Mais à y regarder de plus près, c’est un outil multifonction !

Donnez-le à un chien et il cessera de se déverser dans vos pantoufles !

Un bon coup de fémur dans la gueule du voisin vous octroiera 2 jours de calme radiophonique.

Et ce ne sont là que les utilisations simplistes. N’oublions pas le fémur-décapsuleur, le fémur-tire-bouchon, le fémur-tournevis à entaille large, le fémur-bâton de majorette, le fémur-club de golf, le fémur-bâton de relais, le fémur-fourchette à huîtres, le fémur-émetteur radio, le fémur-clé WiFi, j’en passe et des meilleurs.

Oui, mais, vous insurgerez vous dans la violence et le sang ou tout du moins en levant un doigt timide, quel est alors l’intérêt du couteau suisse ? Pourquoi Victorinox ?

Alors là, je vous arrête TOUT DE SUITE !

Votre forme interrogative est absolument ignoble. Alors vous pouvez vous carrer votre « i » dans l’oignon jusqu’à vous en chatouiller la luette !

On dit : Pourquoi Victor noxe-t-il?

En plus, noxer, c’est même pô un verbe d’ailleurs. Encore un de ces néologismes à la mords-moi le nœud (aïe) sans queue ni tête. Et il se répand l’enfoiré !

La preuve, ils sont déjà deux à se pavaner en vomissant leur superbe mielleuse à coup de « oui, je noxe. Et alors ? » Ces salopards de Victor et Fort.

D’ici peu, le monde risque d’être envahi par des clones ratés de ces deux précurseurs, incapables de se retenir de noxer à tous les vents et nous risquons de voir nos librairies et autres échoppes pleines de savoir se remplir d’horreurs noxophiles ! Je vois d’ici le prochain titre des autobiographies de nos présentateurs vedettes des chaînes de télévision : « Comme vous, je rie, je pleure et je noxe ».

Camarades ! Honnissons les noxeurs et les futurs lobotomisés qui chercheront à les imiter ! Soyons le dernier bastion face à l’invasion des imbécilités humaines et de la vinaigrette allégée à 45 % ! D’ailleurs, je me demande ce qu’est leur vinaigrette complète. 80 % de matière grasse ? C’est d’l’huile pure, ouais !

Bon. Alors pourquoi Victor noxe-t-il ? J’en sais foutre rien, je m’en fais swinguer les roubignoles en 3/3, mais qu’il ne vienne pas l’faire ici, j’ai ciré le parquet hier !

Et le fémur, me direz-vous ? C’est une très bonne question et je vous remercie de me l’avoir posée.

Le fémur est nécessaire au développement de l’homme et de ses connaissances. Sans fémur, l’homme s’étiole et se casse la gueule devant ses congénères. Il passe ainsi pour un con.

Soyez avides de fémurs et brillez en société grâce à eux. Mais prenez garde, soyez attentifs et sélectifs. Un fépazassémur risque de se révéler inutilisable et vous passerez pour des cons en en faisant étalage à tort (ou d’être à la pointe de l’info dans les milieux adoskybloguiques).

(Exemple de fépazassémur : « Dans les milieux autorisés, on s’autorise à penser que le fémur de Rika Zaraï ne serait en réalité qu’un caniche nain. »)

Le fémur, quant à lui, est sûr et solide. C’est un agréable accessoire de socialisation et une source d’amusement sans borne. D’ailleurs, faites ce petit test chez vous : plantez votre fémur dans le jardin du voisin et regardez-le péter les lames de sa tondeuse, jurer, fondre en larmes et maudire le gouvernement. Invitez quelques amis et prévoyez l’apéro ! Bonne soirée en perspective.

Houblonneries pétillatoires

Les amis, disait Desproges, se reconnaissent par leur capacité à nous décevoir. Il avait raison.

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J’ai fait l’expérience de la déception amicale pas plus tard qu’hier.

Tergiversant et bavassant sur de hauts sujets philosophicoabscons et débilatoires, un certain félidé de mes amis émit l’hypothèse saugrenue que l’ingestion de certains psychotropes puisse avoir des effets libératoires sur nos intellects grandioses et nous donner accès à des sphères de réflexion tenant au newtonisme le plus pur.

Estomaqué de cette déclaration, car étant persuadé de la probité corporelle de ce griffu personnage, je m’enquis de ce nouveau penchant pour les paradis artificiels. Il me répondit qu’à l’occasion, il trempait ses vibrisses dans quelque macération de houblon, ce qui apaisa mes craintes.

Mais, et c’est là qu’advient la déception, ne voilà-t-il pas qu’il admet sans coup férir ne boire ce breuvage délicieux qu’accompagné de… grenadine.

Je fus choqué.

Qu’il me soit permis de vous expliquer ce qu’est la grenadine. C’est un produit synthétique, créé de toutes pièces par des chimistes qui n’ont rien fait qu’à tripatouiller des molécules pour voir quel goût ça a.

Mais le pire, c’est que pour faire vaguement tenir tout ça en place, pour permettre à cet immonde liquide visqueux rougeâtre et déliquescent, bref pour que cet immonde breuvage imbuvable sans eau ne nous pète pas à la gueule à cause de liaisons atomiques merdées, il a fallu le concours de « gens », si toutefois on peut les désigner ainsi, qui ont étudié la stabilité… « relative »… de ces composants chimiques.

Oui ! la grenadine est le produit de physiciens !

Mais, j’en vois venir certains qui vont arguer de la nature tombatoire du sirop dans la bière et, sur cette seule preuve, pitoyablement affirmer et soutenir  l’intrinsèque attirance de la grenadine pour le bas et ainsi essayer par de fallacieuses chafouineries de me convaincre de la quintessence progravitationnelle de cet aimant à mouches (1).

Eh ben, non ! La bière se boit pure, dans une pinte, en se grattant les couilles !

Honnissons les adoucisseurs de ce divin breuvage qui souillent son admirable robe pétillante par l’adjonction de physiceries édulcorantes et E122èmes, participant ainsi à l’extension de la main-mise du primus chafouinus (2) sur le monde !

Puissent des klaxons leur apparaître inopinément là où le soleil ne brille pas, que jamais plus ils ne s’assoient sans honte !

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(1) Oui, la grenadine attire les mouches !, preuve de son alberité sous-jacente.

(2) Je rappelle au lecteur distrait que nous parlons ici de ce fieffé félon d’albert einstein, puissent les pigeons déféquer sur les icônes impies le représentant.

Et le nombril au milieu

Hey guys ! How is it hanging ?

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Sympathique formule anglaise de salutation, très populaire chez les jeunes et les trentenaires sérietélévisuels.

Mais, traduisons vite fait, comme ça, pour se marrer : Comment est-ce que ça pend ?

Avouez que saluer une jeune fille ou un jeune homme de cette façon frise le mauvais goût, non ?

Encore une fois, c’est la faute de Rufus.

Aujourd’hui, c’est courrier des lecteurs.

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Mon petit Kimi me demandait il y a quelque temps si les transalpins étaient des lapins transgéniques. M’étant penché sur le sujet, à force de recherche et de longues nuits passées avec la bibliothécaire, j’ai enfin trouvé l’explication.

En 1862 avant Jean-Claude, le zoologue égyptien Khî-Mi-êl- Lap’Înki-Lehr, scientifique de renom s’il en est, découvrit stupéfait et choqué une communauté lapine dégénérée dans les Hauts Plateaux du Nil. N’ayant ni lance-flamme, ni grenade à sa disposition, il entreprit d’effacer, à l’aide des fruits du figuier, de la face du monde cette engeance viciée pour qu’aucun homme après lui ne vit les immondes mutations de ces rejetons du démon. Ceci fait, il consigna ses observations sur son petit papyrus pour que les générations futures soient préparées face aux ignominieuses obscénités de ces vils remueurs de museau, au cas où.

« Ma main tremble à l’écriture de ces lignes. J’ai plongé le regard dans les méandres infernaux de la Nature. Sans mon courage d’airain, je pense que j’aurais fui. J’espère de toute mon âme que ce que j’ai vu n’est qu’une colonie isolée et que jamais plus on ne verra ces abjectes erreurs arpenter la Terre. Je ne trouve pas les mots pour vous décrire toute l’horreur qu’inspirent ces « translapins ». Ce sont des immondes bêtes velues et monoauriculaires. Cette absence d’appendice auditif semble leur conférer un hermaphrodisme sordide : bien que mes observations antérieures me permettent de reconnaître un mâle d’une femelle chez les lapins, infectes créatures, « normaux », ici je suis impuissant. Et leur rythme de reproduction est incroyable ! Dix fois plus rapide que leurs congénères biauriculaires ! À la vue de cette fornication incessante et en pensant au bien-être de l’humanité, j’ai préféré exterminer cette engeance à coups de figues molles. Je pense qu’aucun n’a survécu. Mais j’ai perdu l’usage de mes jambes, de mon œil droit et de ma virilité. Si vous trouvez ces lignes et que par malheur ils ont proliféré, fuyez ! Ne cherchez pas à les combattre ! Fuyez, pauvres fous ! »

Plus tard, en 1258, le moine franciscain Rufus Cérdic, célèbre dans son village pour son inculture crasse et son maniement approximatif et gesticulant de la plume d’oie (ce qui lui valut le surnom de « Rufus le Gaye Benêt »), retranscrit ce texte que les descendants de Khî-Mi se transmettaient depuis des générations, à l’oral. Voilà t’y pas que le moinillon écrivit « transalpins », confondit « lapins » et « Italiens » et signa « Rufus Cédric ». Ces erreurs entraineront plus tard les onze Guerres D’Italie (entre 1494 et 1559) entre la France et l’Italie. C’est aussi depuis ce jour que le prénom Cédric est utilisé, à cause d’une coquille d’un abruti notoire.
Pour répondre à ta question, Kimi, les translapins sont à l’origine des lapins mutants hermaphrodites à une seule oreille, mais à cause de Rufus Cérdic, on les a confondus avec les Italiens qu’on a pris pour des vils sodomites sournois et chafouins à qui on a fait la guerre.

De Tablus Placidus

Considérations mobilières, anathématisation du fourbissime et rétablissement de la Vérité.

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Qu’y a-t-il de plus banal qu’une table ? C’est un objet courant à peu près partout dans le monde, bien qu’il soit parfaitement immobile. De forme vaguement géométrique, approximativement campée sur un nombre variable de pieds, servant plus ou moins à poser des machins dessus ou à se cogner dedans.

Et c’est le point qui nous intéresse aujourd’hui. Mais avant de décrypter le pourquoiducomment qu’on se cogne toujours les genoux ou le petit doigt de pied sur le coin ou le pied de la table, il m’apparaît opportun et important de revenir sur l’origine de la table afin de comprendre en essence ce qui la pousse à martyriser nos pauvres corps.

La table remonte à la plus haute Antiquité, voire avant, disait Platon, pour qui l’Antiquité c’était vachement plus vieux que notre Antiquité à nous, qui fait figure d’adolescente boutonneuse aux seins en piqûres de moustique pour qui les garçons sont caca boudin en comparaison avec l’Antiquité platonicienne, ample et grasse, aux seins obusiers et pleine de varices, avec dans l’œil cette lueur qui suggère que les compétitions de pétages de lattes sur multispires en duo ne sont plus qu’un lointain souvenir ; c’est vous dire si la table, ça ne date pas d’hier.

La table (tablus placidus) ne fut pas créée, comme on le pense souvent, mais est bel et bien le fruit de l’Évolution. En effet, la Nature, à l’époque toute puissante et soucieuse du bien-être de l’Humanité, observait souvent le seul spécimen de cette race qui ne tentait pas de trépaner son voisin à coups de caillou : Isaac Newton. Voyant ce pauvre homme s’échiner à écrire tout un tas de bidules sur des feuilles de bananier et le dos de n’importe quelle bestiole assez large, et à poser des vistemboires partout où ça ne se cassait pas la gueule (1), la Nature d’alors, dans son infinie bonté, crut bon de Le doter d’une roche de surface plane afin qu’Il puisse y poser ses trucmuches et écrire ses bidules plus confortablement. « En voilà une riche idée ! », s’écria Isaac ; idée qu’il s’empressa de baptiser « table », car ça ne ressemblait que très peu à une cicindèle.

Et pendant quelque temps, Isaac et la table vécurent heureux dans la joie et dans l’allégresse, l’un posant des bidules sur l’autre qui s’en trouvait ravie. Mais un jour qu’Isaac revenait de la pêche, qu’il venait d’inventer, il se confia à la table en ces termes : « J’ai trouvé deux trucs super ! La mémoire, d’une part, qui me permet de ne plus avoir à écrire des zigouigouis sur des feuilles de bananes, et les poches, dans lesquelles je peux mettre plein de bitoniaux ! Allez, à plus, je vais inventer le trombone. » Et il s’en fut, laissant la pauvre table à sa solitude, la Nature ayant depuis longtemps reporté son attention sur les papillons, sous prétexte qu’ils sont plus jolis qu’un supporter de football (2).

Mais foin de cette lypémanie ! Notre table, certes pusillanime, mais néanmoins désireuse de prouver au monde qu’elle pouvait y trouver sa place, entreprit de se planquer pour réfléchir à la suite des évènements et à la meilleure façon de perpétuer son espèce, et de s’intégrer partout, en commençant par la salle à manger.

Après avoir longuement considéré la reproduction sexuée, dont elle se détourna pour de basses considérations inhérentes à sa non-possession de pénizigounette et à l’absence d’une autre table, notre table, déçue, se pencha plus avant sur une théorie bien rodée : la scissiparité (3). Ayant consulté moult spécialistes dans les mares environnantes, et suivi quelques cours de travaux pratiques avec le docteur Sporohalobacter, elle poussa un grand coup et « PAF », ça ne fit pas de Chocapic, mais une jolie table lui ressemblant comme deux gouttes d’eau (4). Grande fut la joie de notre table à la vue de sa congénère ! Et ne voulant pas en rester là, elle entreprit de repousser très fort, imitée par sa fifille et « re-PAF » et « PAF ».

Les tables ne se sentaient plus de joie et advint alors la période qui fut plus tard baptisée « Le Grand Plop » (5). Durant au moins, pfffou, tout ça, les tables firent « Plop » par-ci, « Plop » par-là, « Plop » par-devant et « Plop » par derrière. Et les hommes d’alors commençaient à les remarquer. On considère que l’adoption de la table par l’homme commença le jour où Gruf’n posa son steak d’antilope sauce grand-veneur sur l’une d’elles et fut stupéfait de ne pas voir la sauce couler négligemment et inexorablement partout sauf sur sa viande. Dès lors, la table s’installa dans l’habitation de l’homme et n’en repartit plus.

Mais le mal rôdait…

Avec son introduction dans l’habitat humain, la table se prélassa, heureuse de se faire poser des trucs dessus, et relâcha son attention. Erreur ! Car nonobstant le confort douillet de l’intérieur humain, ce nid sec et chaud abrite en son sein les pires prédateurs tabliers/tabulaires/des tables !

Dégoulinant d’humeurs malignes et ichoreuses, ne vivant que pour souiller et entacher à jamais la pauvre table, il avance, telle une tique maléfique aux crocs acérés plantés dans la chair tendre d’un teckel, parasitaire contenant attaché à la main de l’homme inconscient des ignominies qu’il s’apprête à commettre, et, son hôte l’ayant déposé sur la table incapable de se défendre, il commence son œuvre d’irrémédiable destruction au terme de laquelle l’homme abandonne sa table à la nature, ne pouvant plus regarder sans vomir son âme défigurée et meurtrie. Cachant sa nature viciée sous des dehors pratique, ce tueur profite de la naïveté de l’homme pour, sans relâche, s’attaquer à nos amies les tables. Ce vautour tablier/tabulaire/bordel de merde/tablaire (6) qui est …… TadaaAA ! le verre tout mouillé qui fait des taches !

Mais il est un prédateur plus vil encore, un prédateur que l’homme ne pourra jamais se résoudre à chasser de son logis au profit de la table. Un prédateur implacable pour tout ce qui fait moins de 40 cm. Un prédateur dont les armes sont les joues potelées, les gazouillis trognons et le popo asphyxiant face auquel même l’anaconda s’avoue vaincu : le bébé !

Maizalors, me direz-vous, comment se fait-ce que notre bonne vieille table soit toujours aussi présente et prolifique ? Aurait-elle trouvé une parade pour repousser ces félons verriers et petitdhommesques ? Eh bien oui ! Et c’est d’ailleurs de là que part l’évolution de la table, évolution qui nous amènera, je l’espère, jusqu’au sujet du jour, qui était de savoir pourquoi qu’on se cogne les genoux sur le coin de la table. Enfin, je crois.

Bref, comme nous l’avons vu précédemment, la table dénote une intelligence incroyable. Elle a découvert à force de recherches la scissiparité et s’est multipliée pour assurer la survie de l’espèce. De nature inquisitrice, elle eut le loisir d’observer les hommes et leur évolution entre deux attaques de bébés et découvrit avec stupeur (mais aucun tremblement) que l’homme changeait pour s’adapter à son environnement de la meilleure façon possible. Ne voulant pas être en reste, elle décida de faire de même et poussa très fort (décidément, c’est une habitude) pour se munir de pieds, dans le but de s’élever pour apercevoir ses ennemis de loin et se mettre hors de portée du pire d’entre eux.

Mézélasse, la table comprit bien vite que deux problèmes majeurs se posaient à elle. D’une part, se faire pousser des pattes et changer son métabolisme, ça prend plus longtemps que faire pousser un noisetier et, d’autre part, elle ne pouvait décemment pas monter trop haut, sous peine de pénaliser grandement son utilité pour l’homme. De nature pragmatique, elle décida de s’occuper du premier problème en premier. Et c’est là que le drame arriva. Car depuis des lampadaires, tapis sournoisement dans l’ombre, ourdissant et fomentant comme l’honnête homme respire (7), le cuistrissime êtruscule attendait son heure.

Voyant la table en proie à une contrition palpable, l’albert sortit son groin des noirs réduits malodorants où sa vilénie l’avait parqué et s’approcha tel le serpent bibliothécaire (8) de la table. De son verbe fielleux, il enjoliva la pauvrette d’idées impies visant à nuire à l’homme. La table frêle et impressionnable, n’ayant pas les neurones nécessaires à lutter contre ce verbiage malsain, accepta de se faire aider par le fourbissime. De là, on vit apparaître sur nos tables, tels des ergots chitineux et indestructibles, vindicatifs et impressionnants, telles les coudières acérées d’un fuligineux chevalier de l’enfer, des coins pointus tendus vers nos genoux. Et l’homme, bon et confiant, convaincu par l’habitude de la bienveillance de la table, commença à se cogner dans les coins, pour le plus grand plaisir pervers et pernicieux de ce petit poilu pas peigné d’albert. Pour tout dire, il était « relativement » content et la table, créature simple, l’était aussi. Elle pouvait désormais se protéger de bébé, grandir tranquillement et s’occuper de son second souci.

Ce second souci, rappelons-le, était de ne pas trop grandir pour rester amie de l’homme, ce qui l’exposait toujours aux verres mouillés. Que faire ? Ô rage, ô désespoir, ô tarie. Pestant et rageant, en proie à un dilemme, la table sanglotait, éprouvée et mouillée, et songeait à sombrer dans l’alcoolisme quand une ombre rassurante se posa sur elle.

« Bah alors bichette ? On est tristounette ? Je pars quelques années inventer le calcul intégral et les mouvements des planètes et tu t’étioles ? Allez, viens que je te fasse un câlin et te dise une bonne nouvelle. » En ces mots s’exprima Isaac, revenu d’on ne sait z’où, en forme et bronzé. Mais alors qu’Il s’approchait pour enlacer sa table chérie, sur laquelle Il comptait écrire l’Œuvre, le Tome de Sa Voix, son Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, Il se démonta copieusement la rotule sur le vil coin épointé de son amie. « Aïeuh », fit-il, car Il était stoïque.

« Pardonne-moi, Isaac, mon aimé. C’est qu’en ton absence j’étais en proie aux pires tourments de la part des petits d’hommes et des verres mouillés, et j’ai cédé : l’albert m’a dotée de ces protubérances disgracieuses pour les tenir à distance pendant que je grandissais. Mais mon moi est vicié et elles sont à présent ancrées dans ma chair. Pauvre de moi. Que n’ai-je suivi tes conseils éclairés et non mon seul désir de vivre en paix. » Isaac ne put retenir une larme et s’adressa en ces mots à la table :

« Table, ma sœur. Ne sois pas trop dure envers toi-même. Trop souvent les êtres pervers se jouent des âmes bonnes et cet « albert » m’a l’air d’un fieffé coquin. Allez, sèche tes larmes et prend ma dernière invention : le petit carré pour mettre des trucs dessus (9). Grâce à lui, tu es complète, car en plus d’être assez grande pour être hors de portée des bébés, tu pourras désormais être protégée des verres mouillés. » À ces mots, la table ne se sent plus de joie, elle demande un câlin et Isaac se cogna le petit doigt de pied sur le pied de la table.

« Aïeuh », fit-il, car Il était aguerri.

« Pourquoi donc ce revirement ? T’ai-je causé quelque tort ?

– Pas du tout ! Permets que je t’explique. Par cet habile stratagème, l’homme se souviendra à chaque coup sur le petit doigt de pied de la nature vile, veule et impure de mes appendices albertitiens. C’est afin de protéger l’homme que de temps à autre, de ma propre volonté, je lui infligerai quelque menue souffrance, bien qu’il m’en coûtera.

– Quelle noblesse d’âme, mon amie. Et je ne doute pas qu’un jour, les horribles mutilations de ce félon dont j’ai oublié le nom s’effaceront. L’infamie chafouine ne peut rien face à la grandeur d’âme. Bon, je m’installe, j’ai un bouquin à griffonner.»

Et c’est ainsi que la table trouva sa place et sa raison d’être dans le monde, ainsi qu’une certaine stabilité. Et Isaac avait raison. À force de rappeler à l’homme qui se prend le pied dans son pied que la vie est semée des embûches du cuistrissime fourbuscule, à l’instar des coins de table, elle poursuivit son évolution pour aussi devenir ronde, ovale, plaisante aux yeux et beaucoup moins dangereuse pour les genoux de l’homme, au grand dam du primus chafouinus.

Et c’est au nom de toutes les tables sur lesquelles je ne me cogne pas que je crie aujourd’hui :

« albert est un con ! enstein, tu sens mauvais ! »

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(1) Bien qu’Isaac n’en ait cure, la chute d’un truc lui confirmant à chaque fois sa Grande Théorie Universelle.

(2) Et on serait bien en mal de lui prouver le contraire.

(3) Elle avait aussi considéré la parthénogenèse, mais n’y avait rien compris.

(4) On est ici en droit de se demander dans quelle mesure une table peut ressembler à deux gouttes d’eau et, si tel est le cas, comment on peut y jouer au jeu de go.

(5) Les Chocapic ayant menacé nos tables d’entamer des poursuites si elles continuaient à faire « PAF ».

(6) J’fais ce que je veux et c’est très joli, « tablaire ».

(7) C’est une figure de style et non une réalité tangible. L’existence de l’honnête homme étant toujours à prouver.

(8) Biblique ? Ah. Bon. Ben, biblique, alors.

(9) Il n’a jamais été très doué pour les noms

Abject Larcin

C’est horrible, c’est affreux. Les tripes nouées et une boule dans la gorge, j’ai encore du mal à faire passer l’abomination de cette nouvelle(1), encore plus à la digérer(2).

Y’a un connard qui m’a piqué mon titre ! !

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(1) À cause de la boule.

(2) À cause du noeud tripier.

Hic iacet mens

M’étant, à mon corps défendant, remis à écrire des choses légères sur ce golb dans le but inavoué, mais bien pardonnable, d’oublier un instant les vautours, voilà t’il pas que je m’suis dit qu’il faudrait que j’écrive quelque chose presque tous les jours.

À première vue, cela ne présente pas ou peu de difficultés. La preuve, rien qu’en écrivant « quelque chose », j’ai écrit quelque chose.

À seconde vue, si j’écris « quelque chose » tous les jours, je ne doute pas qu’un jour, une horde innombrable d’au moins deux personnes se lancera à ma poursuite armée de fourches et de bâtons pointus dans le but de me menacer de me faire des trous dedans si je n’écris pas autre chose que « quelque chose ».

Afin de pallier cette éventualité de perméabilité forcée de mon épiderme, j’ai décidé tout seul comme un grand d’écrire autre chose que « quelque chose » aujourd’hui.

Tous les goûts sont dans la nature, nous dit la sagesse populaire, qui ne se trompe jamais. Pourtant…

On ne m’ôtera pas de l’idée que Christophe Mae est à la musique ce que Ðiện Biên Phủ est à la grandeur militaire de la France. Pourtant, des gens aiment ses brames de castrat sirupeux. Grand bien leur fasse, du moment qu’ils ne viennent pas polluer mes conduits auditifs.

Néanmoins, ce matin, j’ai découvert par hasard un article du Nouvel Observateur relatant par le menu une certaine entrevue entre ce roucouleur crécellique et un membre du gouvernement français, dont le travail consiste à s’occuper de la « Culture ».

Ma verve haineuse et ma vitupération habituelle se sont tues. Les bras m’en tombent et je reste atterré par cette nouvelle accablante.

Franchement, est-il possible que dans ce beau pays qu’est la France, patrie de Molière, d’Alexandre Vialatte, de Léon Zitrone et de tous ces grands orateurs et écrivains français, l’on puisse tomber aussi bas ?

Dans cette époque de Cielblog, de SMS, de téléréalité, de TF1 et d’acronymes anglo-saxons, on serait en droit d’attendre des gens qui vous gouvernent* un effort de promotion de la beauté de la langue française et de la création musicale.

Mais non, soucieux de redorer leur blason terni, ces chancres abjects, courbés jusqu’à s’en lécher les semelles devant le peuple tout puissant et son jugement souverain, couvrant avec une chafouinerie sans bornes leur pusillanimité décisionnaire sous des argumentaires fallacieux, dans l’unique but de satisfaire les ramollis du bulbe qui composent leur électorat,  ont osé décerner à ce mec dont le moindre gargouillis radiophonique me rend hargneux à tel point que j’ai envie de lui vriller les intestins avec sa guitare et dont les textes, ô combien profonds, n’ont même pas le bon ton d’être écrits dans un français correct ; ils ont osé, donc, remettre à cet homoncule tout juste bon à faire mouiller les pisseuses la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres.

Putain, j’suis démoralisé.

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* Moi, j’m’en fous, j’me suis expatrié.

À cent à l’heure, entre les c… etc.

Comme le disait judicieusement Theilhard de Chardin : « Ce n’est pas en tournant autour du pot qu’on va repeupler la France »¹.

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Suivant ce conseil avisé, j’irai droit au but. J’ai écrit un truc – nul, certes –, mais qui a le mérite d’agrémenter ce blog d’un article supplémentaire. Ce qui prouve que je suis un homme honnête et respectueux de la parole donnée. Voir à ce sujet le billet précédent.

Donc, voilà.

La difficulté qui se présente maintenant est, comme vous l’avez tous compris, de trouver un sujet intéressant.

Étant conscient de mon incommensurable imagination, je ne doute pas que, d’ici peu, une idée d’une fulgurante beauté jaillira avec promptitude dans mon cerveau (d’aucuns m’objecteront que celui-ci est notoirement absent de mon crâne, ce à quoi je leur répondrai c’même pas vrai, j’ai des preuves, mais elles ont piscine).

La prestesse avec laquelle cette admirable idée va arriver étant toute relative, qu’il me soit permis de meubler cette attente avec une petite historiette dont l’authenticité doit se trouver par-là, dans un coin.

« Or donc, en ce temps-là, Eugène Le Minotier vaquait paisiblement à ses activités meunières dans un des nombreux moulins banaux³ de la région. Entre deux sacs de farine, il lui arrivait de descendre au village pour y dépenser quelque menue monnaie dans le but d’acquérir auprès de commerçants divers certaines denrées nécessaires à sa sustentation.

D’un naturel affable, néanmoins laconique, c’est sans malice aucune qu’Eugène répondait invariablement à la question “Et ta sœur ?” et aux commerçants sus-mentionnés : “Elle bat le beurre”.

Puis il s’en retournait gaiement à son moulin.

La sœur d’Eugène, effectivement, barattait la crème pour en tirer la graisse du pauvre. Et la raison de l’inquisition commerciale venait du fait qu’Émilie La Baratte ne sortait guère de la baraterie où la juste raison et son mari Simon l’avaient parquée.

Or les boutiquiers n’étaient pas au fait de cette sauvage séquestration et dans leur esprit étriqué, la réponse inamovible d’Eugène faisait figure de rabrouement glacial, leur pauvre intellect ayant occulté la nature peu prolixe du meunier.

Le temps fit son œuvre et la réponse anodine d’Eugène fut reprise par le village pour éconduire avec brutalité tout individu importun, puis s’exporta grâce aux voyageurs de passage dans tout le pays.

Ainsi naquit/naqua/naquait l’idiotisme “Et ta sœur ? Elle bat le beurre.”

Toutefois, l’Histoire ne nous dit pas à quelle vitesse Émilie barattait sa crème ni si elle se complaisait à s’acquitter cette tâche entre les jambes d’un employé des Postes. »

Voilà, voilà…

Apparemment la muse à piscine elle aussi.

Bon, bon, bon…

J’vais y aller, moi.

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1. En fait, il a dit : « Tout ce qui monte converge. » Mais bon, si je devais me soucier de la véracité de mes citations, eh ben, j’écrirais encore moins².

2. La citation de la note précédente est quant à elle tout à fait juste. Ce qui explique pourquoi j’ai mis près d’un an à pondre cet article.

3. Que ceuzécelles qui auraient l’outrecuidance de me faire remarquer que le pluriel de « banal » est « banals » aient l’amabilité de se servir de leur Petit Larousse en tant qu’olibos, et ce, à la manière hellénique. Car j’ai raison, dans le cas présent, c’est bien « banaux ».

La flemme calligraphique.

Il existe des moments où l’homme, pris d’une soudaine et pressante envie, se met à griffonner sur un coin de table et un bout de papier des idées, comme ça.

Et un jour l’homme, soudain pris d’une envie pressante, met la main à la poche et retrouve le papier sur lequel sont écrites les idées.

Alors l’homme commence à un moment perdu à écrire n’importe quoi autour de ses idées, comme ça, pour passer le temps.

Et puis, voyant que ses balbutiements graphologiques commencent à remplir quelques pages, il décide d’en faire profiter les gens.

Alors il fait un blog pour y mettre ses conneries.

Et puis, l’assentiment de ses lecteurs le pousse à faire des promesses à la con et à lui-même.

Alors il dit qu’il va écrire plein plein et tous les jours et tout et tout.

Et alors il écrit des machins courts, longs, carrés, mais qui ne parlent pas des Barbapapa.

Et puis le temps passe.

Et l’homme trouve un boulot, rentre tard, préfère avec raison lire un bouquin ou écouter de la musique plutôt que se torturer les méninges à trouver des idées pour respecter ses promesses.

Alors il laisse le blog à l’abandon.

Et puis un jour, il se dit qu’il faudrait qu’il recommence.

Alors il pense recommencer, mais à son rythme.

Donc il refait des promesses à la con de l’acabit de celle qui suit :

« J’vais essayer de faire un nouvel article, bientôt, promis ! »

Mais bon… on sait tous ce que vaut ce genre de promesses.

Enfin…, qui sait ?

La confiture

Les fruits, c’est bon pour la santé et le transit intestinal.

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Jean sentit son sang froid le quitter et une chaleur indicible le parcourir de haut en bas. Son self-control se fit la malle et le mal fut fait.

 » Jean ! Que fais-tu ?! s’écria Myriam, bouleversée par la vision de son frère se réchauffant les noix à l’abri de la croupe de Fripounet.

– Je sodomise le poney car la confiture était aux fraises. »

Et Myriam, soulagée, laissa Jean à sa besogne et s’en fut acheter de la confiture à la framboise qui ramènerait dans l’écurie le calme habituel.

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Le thème de jour des éditions Word in Progress redonnera à vos zygomatiques leur teint de jeune fille par application quotidienne (enfin, j’espère)