Hic iacet mens

M’étant, à mon corps défendant, remis à écrire des choses légères sur ce golb dans le but inavoué, mais bien pardonnable, d’oublier un instant les vautours, voilà t’il pas que je m’suis dit qu’il faudrait que j’écrive quelque chose presque tous les jours.

À première vue, cela ne présente pas ou peu de difficultés. La preuve, rien qu’en écrivant « quelque chose », j’ai écrit quelque chose.

À seconde vue, si j’écris « quelque chose » tous les jours, je ne doute pas qu’un jour, une horde innombrable d’au moins deux personnes se lancera à ma poursuite armée de fourches et de bâtons pointus dans le but de me menacer de me faire des trous dedans si je n’écris pas autre chose que « quelque chose ».

Afin de pallier cette éventualité de perméabilité forcée de mon épiderme, j’ai décidé tout seul comme un grand d’écrire autre chose que « quelque chose » aujourd’hui.

Tous les goûts sont dans la nature, nous dit la sagesse populaire, qui ne se trompe jamais. Pourtant…

On ne m’ôtera pas de l’idée que Christophe Mae est à la musique ce que Ðiện Biên Phủ est à la grandeur militaire de la France. Pourtant, des gens aiment ses brames de castrat sirupeux. Grand bien leur fasse, du moment qu’ils ne viennent pas polluer mes conduits auditifs.

Néanmoins, ce matin, j’ai découvert par hasard un article du Nouvel Observateur relatant par le menu une certaine entrevue entre ce roucouleur crécellique et un membre du gouvernement français, dont le travail consiste à s’occuper de la « Culture ».

Ma verve haineuse et ma vitupération habituelle se sont tues. Les bras m’en tombent et je reste atterré par cette nouvelle accablante.

Franchement, est-il possible que dans ce beau pays qu’est la France, patrie de Molière, d’Alexandre Vialatte, de Léon Zitrone et de tous ces grands orateurs et écrivains français, l’on puisse tomber aussi bas ?

Dans cette époque de Cielblog, de SMS, de téléréalité, de TF1 et d’acronymes anglo-saxons, on serait en droit d’attendre des gens qui vous gouvernent* un effort de promotion de la beauté de la langue française et de la création musicale.

Mais non, soucieux de redorer leur blason terni, ces chancres abjects, courbés jusqu’à s’en lécher les semelles devant le peuple tout puissant et son jugement souverain, couvrant avec une chafouinerie sans bornes leur pusillanimité décisionnaire sous des argumentaires fallacieux, dans l’unique but de satisfaire les ramollis du bulbe qui composent leur électorat,  ont osé décerner à ce mec dont le moindre gargouillis radiophonique me rend hargneux à tel point que j’ai envie de lui vriller les intestins avec sa guitare et dont les textes, ô combien profonds, n’ont même pas le bon ton d’être écrits dans un français correct ; ils ont osé, donc, remettre à cet homoncule tout juste bon à faire mouiller les pisseuses la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres.

Putain, j’suis démoralisé.

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* Moi, j’m’en fous, j’me suis expatrié.

À cent à l’heure, entre les c… etc.

Comme le disait judicieusement Theilhard de Chardin : « Ce n’est pas en tournant autour du pot qu’on va repeupler la France »¹.

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Suivant ce conseil avisé, j’irai droit au but. J’ai écrit un truc – nul, certes –, mais qui a le mérite d’agrémenter ce blog d’un article supplémentaire. Ce qui prouve que je suis un homme honnête et respectueux de la parole donnée. Voir à ce sujet le billet précédent.

Donc, voilà.

La difficulté qui se présente maintenant est, comme vous l’avez tous compris, de trouver un sujet intéressant.

Étant conscient de mon incommensurable imagination, je ne doute pas que, d’ici peu, une idée d’une fulgurante beauté jaillira avec promptitude dans mon cerveau (d’aucuns m’objecteront que celui-ci est notoirement absent de mon crâne, ce à quoi je leur répondrai c’même pas vrai, j’ai des preuves, mais elles ont piscine).

La prestesse avec laquelle cette admirable idée va arriver étant toute relative, qu’il me soit permis de meubler cette attente avec une petite historiette dont l’authenticité doit se trouver par-là, dans un coin.

« Or donc, en ce temps-là, Eugène Le Minotier vaquait paisiblement à ses activités meunières dans un des nombreux moulins banaux³ de la région. Entre deux sacs de farine, il lui arrivait de descendre au village pour y dépenser quelque menue monnaie dans le but d’acquérir auprès de commerçants divers certaines denrées nécessaires à sa sustentation.

D’un naturel affable, néanmoins laconique, c’est sans malice aucune qu’Eugène répondait invariablement à la question “Et ta sœur ?” et aux commerçants sus-mentionnés : “Elle bat le beurre”.

Puis il s’en retournait gaiement à son moulin.

La sœur d’Eugène, effectivement, barattait la crème pour en tirer la graisse du pauvre. Et la raison de l’inquisition commerciale venait du fait qu’Émilie La Baratte ne sortait guère de la baraterie où la juste raison et son mari Simon l’avaient parquée.

Or les boutiquiers n’étaient pas au fait de cette sauvage séquestration et dans leur esprit étriqué, la réponse inamovible d’Eugène faisait figure de rabrouement glacial, leur pauvre intellect ayant occulté la nature peu prolixe du meunier.

Le temps fit son œuvre et la réponse anodine d’Eugène fut reprise par le village pour éconduire avec brutalité tout individu importun, puis s’exporta grâce aux voyageurs de passage dans tout le pays.

Ainsi naquit/naqua/naquait l’idiotisme “Et ta sœur ? Elle bat le beurre.”

Toutefois, l’Histoire ne nous dit pas à quelle vitesse Émilie barattait sa crème ni si elle se complaisait à s’acquitter cette tâche entre les jambes d’un employé des Postes. »

Voilà, voilà…

Apparemment la muse à piscine elle aussi.

Bon, bon, bon…

J’vais y aller, moi.

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1. En fait, il a dit : « Tout ce qui monte converge. » Mais bon, si je devais me soucier de la véracité de mes citations, eh ben, j’écrirais encore moins².

2. La citation de la note précédente est quant à elle tout à fait juste. Ce qui explique pourquoi j’ai mis près d’un an à pondre cet article.

3. Que ceuzécelles qui auraient l’outrecuidance de me faire remarquer que le pluriel de « banal » est « banals » aient l’amabilité de se servir de leur Petit Larousse en tant qu’olibos, et ce, à la manière hellénique. Car j’ai raison, dans le cas présent, c’est bien « banaux ».

La flemme calligraphique.

Il existe des moments où l’homme, pris d’une soudaine et pressante envie, se met à griffonner sur un coin de table et un bout de papier des idées, comme ça.

Et un jour l’homme, soudain pris d’une envie pressante, met la main à la poche et retrouve le papier sur lequel sont écrites les idées.

Alors l’homme commence à un moment perdu à écrire n’importe quoi autour de ses idées, comme ça, pour passer le temps.

Et puis, voyant que ses balbutiements graphologiques commencent à remplir quelques pages, il décide d’en faire profiter les gens.

Alors il fait un blog pour y mettre ses conneries.

Et puis, l’assentiment de ses lecteurs le pousse à faire des promesses à la con et à lui-même.

Alors il dit qu’il va écrire plein plein et tous les jours et tout et tout.

Et alors il écrit des machins courts, longs, carrés, mais qui ne parlent pas des Barbapapa.

Et puis le temps passe.

Et l’homme trouve un boulot, rentre tard, préfère avec raison lire un bouquin ou écouter de la musique plutôt que se torturer les méninges à trouver des idées pour respecter ses promesses.

Alors il laisse le blog à l’abandon.

Et puis un jour, il se dit qu’il faudrait qu’il recommence.

Alors il pense recommencer, mais à son rythme.

Donc il refait des promesses à la con de l’acabit de celle qui suit :

« J’vais essayer de faire un nouvel article, bientôt, promis ! »

Mais bon… on sait tous ce que vaut ce genre de promesses.

Enfin…, qui sait ?